« Cet enfant, nous l’avions désiré. Même si je ne me sentais pas d’instinct maternel et que je me posais beaucoup de questions sur la mère que j’allais être, je trouvais qu’on se faisait le plus des cadeaux pour nos 10 ans de vie commune : un bébé, fruit de tout notre amour l’un envers l’autre. C’était tellement symbolique pour moi !

Et c’est pour faire durer, évoluer ce fruit que nous avons décidé de d’accompagner notre petite fille tout son temps de vie.

Parce que je voulais donner la vie, même si mes gènes avaient condamné ce petit bébé ; parce que je l’avais sentie bouger au creux de moi, et qu’elle m’avait révélé des sentiments intenses de tendresse, une volonté farouche de protection, un amour viscéral que je ne me connaissais pas… Sa vie était devenue plus importante que la mienne, et j’aurais donné ma vie si cela avait pu sauver la sienne.

C’était notre amour, je ne voulais laisser personne me l’enlever ou me dire que « cela ne servait à rien, car de toute façon elle allait mourir ». Je voulais qu’elle soit reconnue, légalement et par mon entourage. Je pressentais qu’elle n’aurait pas eu la même place vis-à-vis de mes amis, de ma famille, si j’avais fait une IMG à 6mois de grossesse. Je crois que j’aurais eu beaucoup plus de mal à me remettre d’une IMG, car je serais restée sur la seule idée que j’avais condamnée ma fille, et qu’en plus j’avais décidé du jour de sa mort. Heureusement que mon compagnon s’est finalement déclaré en accord avec moi et s’est pleinement approprié ce choix, car dans le cas contraire, cela aurait été un déchirement épouvantable qui aurait, j’en suis persuadée, fait voler notre couple en éclat.

Et surtout, je caressais l’espoir de la rencontrer pendant ces quelques minutes, croiser son regard, prendre le temps de lui dire tout mon amour et la rassurer, pour qu’elle parte en paix, dans mes bras. Sans le savoir encore, je voulais assumer pleinement mon rôle de maman, et être reconnue comme telle.

Pendant ma grossesse, j’ai essayé de profiter de chaque minute avec elle, de la câliner, lui parler de tout ce que j’avais sur le cœur, lui faire goûter les petits plaisirs de la vie, lui faire vivre chaque seconde comme s’il s’agissait d’une éternité…

Un facteur déterminant : l’assurance des médecins que notre petite fille ne souffrait pas tant qu’elle était dans mon ventre, et que tout serait mis en œuvre pour qu’elle s’endorme doucement après sa naissance. Chaque examen avec un médecin était l’occasion d’une nouvelle série de questions concernant la souffrance. Jamais je n’aurais décidé de continuer si on m’avait laissé entendre qu’elle aurait pu souffrir.

Finalement, je crois que le sens de la poursuite de grossesse a surtout été de rester en accord avec moi-même, et avec guillaume. De respecter mes valeurs et laisser s’exprimer mon amour pour cette petite fille qui pour moi a vécu 8 mois et demi, et pas 38 minutes. Je ne regrette absolument pas ce choix, j’en ai tiré une leçon d’amour et de vie profonde, sincère. »

Jessica

 


 

« Pour moi, lors de l’annonce du problème de santé de Gabi, la poursuite de la grossesse ne me paraissait pas une évidence…

J’étais très demandeur de cette grossesse et de cet enfant, ma sœur venait d’accoucher d’un petit Oscar, tout se passait pour le mieux, et l’aventure me tentait depuis plusieurs mois. Jessica prenait son temps, n’était pas sûre d’elle, puis succomba aux charmes d’Oscar et accepta d’arrêter la pilule.

Tout alla très vite, 1 mois et elle était enceinte ! Quel bonheur !!! Tout s’enchainait dans ma tête, le sexe, les prénoms, le logement… J’étais demandeur et j’avais réussi !!! J’allais être PAPA !

Quand l’annonce de la hernie est arrivée au 5eme mois (2eme écho), ça a été un choc ! Tout s’écroulait autour de nous et autour du projet dans lequel j’avais emmené Jessica. Elle souffrait et c’était en parti ma faute ! Si je n’avais pas insisté, si mon désir d’enfant ne s’était pas transformé en une souffrance inimaginable…

Après quelques jours, quelques nuits blanches et des rendez vous quasi quotidiens avec les médecins pour nous annoncer les mauvaises nouvelles les une après les autres, il était venu le temps de discuter sur la suite à donner à notre histoire : vie ou mort, souffrance immédiate ou patience et rencontre… ?

Pour moi la décision était simple, l’arrêt de grossesse, un sparadrap que l’on arrache, une douleur immédiate mais que l’on pourra combler plus rapidement…
On n’imagine pas pour un premier enfant l’attachement que ce petit bout de nous peut procuré !!! Pour ma part je n’imaginai pas non plus les sentiments de Jessica vis à vis de notre fille. Elle s’est découverte un instinct maternel qu’elle cachait…

Je culpabilisais déjà de l’avoir entrainé dans cette histoire, je ne voulais pas en rajouter… C’est pourquoi quand elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas et ne voulait pas arrêter sa grossesse, je n’ai pu qu’accepter… Avec beaucoup d’appréhension au départ. Ce choix est-il réellement le bon ? N’est ce pas s’attacher encore plus pour souffrir plus au moment de l’accouchement ? Le résultat est le même alors pourquoi attendre ?
Je me voilais la face et ne voyais pas l’amour que moi même je portais à notre fille, à ma fille ! Au fur et à mesure des semaines et des mois, j’ai compris et adhéré à cette décision.

Il est fabuleux de voir la femme qu’on aime jouer avec son ventre s’arrondissant ! Quelle joie de voir son enfant le fruit de notre amour se débattre dans son nid, au chaud et insouciant des problèmes actuels ! Voir les images des échos, entendre les battements de cœur… des moments inoubliables !!!

Puis arrive l’accouchement, la joie et la peur, le moment à 3 et l’avenir à 2… Une perte de repère, de sens, de notion de temps et surtout des larmes qui ne font en rien regretter les moments de bonheurs passés !!!

Si il ne fallait qu’une phrase pour expliquer notre choix aux futurs papas :

Profitez de tous les moments présents, n’appréhendez pas le futur, la grossesse de la femme que l’on aime est un moment fabuleux, la découverte du visage de votre enfant est le plus bel instant de notre courte vie de père ! Nous avons souvent peu de privilèges par rapport à notre femme lors de ces 9 mois, la naissance, c’est notre moment, pas de poussée (enfin presque), pas de contractions, juste nos yeux et nos sens pour voir notre enfant arrivé !!! Des sourires, des larmes, de l’amour tout simplement… »

Guillaume